Choeur des Gymnases Lausannois
   
Saison 2000-2001

24 Heures
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24 Heures (Weekend). Corinne Jaquièry

Chanter l'au-delà

Est-il possible d'évoquer sereinement la mort lorsqu'on est jeune et plein de vie? C'est en chantant que les choristes des gymnases lausannois apportent leur éclatante réponse.

Deux oeuvres fortes sont au programme du traditionnel concert annuel du Choeur des Gymnases lausannois: le Requiem de Wolfgang Amadeus Mozart et les Chants de l'au-delà, une création du compositeur Jean-Claude Bossel, professeur de mathématiques au Gymnase Auguste Piccard. Après trois concerts à Lausanne, Payerne et Romainmôtier, le choeur partira en Espagne, invité par l'orchestre de Catalogne qui l'accompagne. "C'est très motivant de pouvoir chanter ailleurs. Il est aussi important de présenter une oeuvre marquante, afin qu'il y ait un bel "après" Carmina Burana qui a été une réussite l'année dernière", explique Olivier Piguet, directeur du choeur.
"La nostalgie du Requiem est telle que je tenais également à avoir une création contemporaine inédite. Je suis intimement convaincu que c'est une pièce dont il va rester beaucoup. Tant pour les chanteurs que pour le public! Les Chants de l'au-delà sont une alternative au Requiem. Un autre regard sur le même événement." Mais les thèmes de la mort et de l'au-delà ne sont-ils pas angoissants à aborder pour de jeunes adultes? "Je crois, au contraire, que chanter peut parfois aider à évacuer certaines angoisses. Le plus important c'est de chanter la même chose et de ressentir ensemble des émotions."
Les quelque 180 choristes expriment pleinement leur plaisir à participer à une si belle aventure sous la direction d'un chef généreux, passionné par son travail. Répétant entre deux cours, tout en se dépêchant de grignoter un sandwich, les jeunes chanteurs semblent mettre tout leur coeur... au choeur!
Pour Delphine, 18 an, le thème de la mort n'est pas plus effrayant qu'un autre: "La mort, cela fait partie de la vie, c'est aussi la vie. Pour moi, ce qui compte c'est de chanter et d'échanger avec les autres choristes." Son camarade, Raphaël, 16 ans, est du même avis, même si les deux oeuvres choisies cette année le ramènent à un deuil personel: "Mon père est décédé il y a quatre ans, et cela me touche d'interpréter certains passages. Mais le fait de participer au choeur est super car j'aime le contact." Elsabeth, 17 ans et Navamani, 18 ans, entraînées dans le choeur par leurs soeurs respectives soulignent avec enthousiasme que l'ambiance y est toujours fantastique. "Découvrir de nouvelles oeuvres contemporaines est également très intéresant", ajoute Navamani.
Quand à Jean-Claude Bossel, l'auteur des Chants de l'au-delà, une oeuvre inspirée par le rêve, il avoue qu'il est assez extraordinaire de composer pour des gens qu'on côtoie tous les jours. "Il y a des réactions au texte et à la musique. Je crois que cette pièce ne laisse personne indifférent car elle propose de découvrir notament l'envers des choses."

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Romainmôtier: concerts fantastiques

Il est des événements qui suscitent des émotions intenses. Ce fut le cas, dimanche dernier à l'abbatiale de Romainmôtier où 160 élèves du Choeur des Gymnases lausannois chantaient le Requiem de Mozart sous la direction de leur maître de musique Olivier Piguet et donnaient en création une oeuvre percutante de leur professeur de mathématiques Jean-Claude Bossel: Chant de l'au-delà. Une double approche de la mort qui fit vibrer, toutes générations confondues, un public massif et enthousiaste de mélomanes et de supporters.

L'effet de masse des 160 jeunes aux voix fraîches et naturelle donna une impression de plénitude et de sérénité qui culmina dans le "Lacrimosa" du Requiem de Mozart. Avec le dynamisme propre à la jeunesse cette messe des morts s'est colorée de vie et de lumière, impression accentuée encore par la prestation de l'excellent orchestre catalan "Orquestra de Cambra de l'Emporda" à la vivacité toute espagnole et par un remarquable quatuor de solistes: Catherine Rouard, soprano, Isabelle Henriquez mezzo-soprano, Frédéric Gindraux, ténor, Richard Ackermann, basse.

Langage musicale moderne
Les Chants de l'au-delà création du compositeur vaudois Jean-Claude Bossel, sont un langage musical moderne auquel les jeunes adhèrent spontanément, par une écoute et une participation active. Dans un corps à corps avec la musique, les réminiscences de tout un vécu émergent, pêle-mêle. Que d'efforts douloureux pour franchir le difficile passage du rêve à la réalité, de la vie à la mort... de la mort à la vie! Orgues, tambours, claquement de mains scandaient cette lente progression qui s'acheva dans l'allégresse d'une danse. La voix parlée de la basse et du choeur donnait une dimension théâtrale à la conclusion sur un texte de l'Apocalypse: "Je suis le Vivant..."
Le Requiem de Mozart faisait figure de leçon bien récitée face à ces Chants de l'au-delà qui avaient le goût d'une aventure spéléologique dans les profondeurs de l'inconscient, avec des peurs, des doutes, des risques, des émerveillements, des impasses et des souffrances jusqu'à l'éblouissante émergence dans la lumière. Une ovation doublée d'une clameur juvénile salua la performance des interprètes et l'engagement des deux professeurs, Olivier Piguet, le directeur et Jean-Claude Bossel, le créateur, merveilleux guides et inspirateurs d'une jeunesse privilégiée.